ConveRSE#8 - Septembre 2019
PREMIER EXERCICE DE DÉCLARATION DE PERFORMANCE EXTRA FINANCIÈRE :
BILAN ET AXES D’AMÉLIORATION
DPEF : derrière cet acronyme se glisse les nouvelles obligations règlementaires des entreprises en matière de reporting extra financier. La directive européenne demande aux entreprises éligibles[1] de faire évoluer leurs contenus afin de mieux connecter leur démarche et leur gouvernance RSE à la stratégie globale. Analyse de publications et leviers de progrès pour cette première édition.
Modèle d’affaire. Les entreprises ont choisi pour la plupart de présenter ce contenu sous la forme d’une infographie au format de l’IIRC[2], le cadre de référence pour le reporting intégré. Si l’exercice a été globalement plutôt bien réalisé, la prochaine étape sera de mettre davantage l’accent sur la transformation du modèle économique de l’entreprise et la création de valeur long terme comme s’y attellent déjà Arkema ou Icade dans leurs documents de référence.
Principaux risques extra financiers. C’était l’un des attendus forts de cette réglementation. Certes, cette approche par les risques a eu le mérite de mobiliser les équipes autour d’ateliers de travail transverses, mais au final le résultat est assez inégal. Certaines entreprises ont réussi à démontrer le lien dans leur rapport entre la démarche RSE, la matrice de matérialité et les risques extra financiers et à présenter clairement ces enjeux. C’est le cas notamment de Tarkett, Faurecia ou Legrand. Pour d’autres, comme le groupe Lisi, l’exercice a été plus laborieux. Le lecteur peine à repérer les risques extra financiers qui sont parfois dilués dans les contenus. Un tableau de synthèse présentant les principaux risques ou l’usage de « pictogrammes » comme repère de lecture seraient par exemple judicieux.
Concision. Un reporting plus structuré autour des politiques, procédures et résultats destiné à illustrer la performance de l’entreprise faisait aussi partie des points clés de la DPEF. Ce nouveau traitement de l’information a parfois déstabilisé les contributeurs/rédacteurs qui n’ont pas toujours réussi à présenter les données de manière factuelle et synthétique. Résultats, les contenus n’ont pas forcément gagné en concision et en pertinence. On note même des rapports en moyenne plus longs. L’exemple à suivre pourrait venir des publications DPEF des sociétés non cotées dont les formats ne dépassent pas 20 pages (Euralis ou Crédit Agricole Sud Méditerranée).
Transparence. Les entreprises peinent encore à rendre compte et produire des indicateurs pertinents sur les sujets sensibles tels que la corruption ou les droits de l’homme. Certes ces thématiques sont souvent placées sous la houlette des directions compliance peu habituées à communiquer. L’enjeu est pourtant de démontrer la création de valeur (attractivité, confiance) liée à la maîtrise de ces risques. Saint Gobain ou Michelin sont plutôt de bons élèves dans ce domaine. Ce dernier propose par exemple 4 indicateurs clés de suivi de sa politique Droits de l’Homme.
Entreprise contributive. Si cet engagement ne fait pas partie de l’exercice règlementaire, il doit néanmoins s’imposer dans les rapports à travers l’adhésion des entreprises aux grands référentiels dont les Objectifs de Développement Durable (ODD). L’enjeu ici est d’aller au delà du déclaratif et de relier ces défis sociétaux à son modèle économique comme Suez qui publie une cartographie de ses risques extra financiers alignée sur ses ODD ou Legrand qui s’est fixé trois objectifs ODD chiffrés reliés à ses activités à échéance 2030.
Conclusion : Pour cette première année de publication, les organisations soumises à l’exercice de la DPEF ont réussi le pari de revoir les modalités de leur reporting et de cocher la case de la conformité. Cependant, les auditeurs ont fait preuve d’une réelle souplesse qui ne sera plus de mise l’an prochain.
Les axes d’amélioration résident essentiellement
- dans la capacité des entreprises à renforcer et préciser leur analyse de risques en descendant plus en profondeur dans les processus de l’entreprise,
- dans un renforcement de la cohérence des politiques et des actions mises en place, qui doivent être parfaitement alignées sur les risques identifiés
- dans le fait d’indiquer les directions stratégiques prises en y adossant toujours plus de KPI
- dans un effort accru de concision : plus un rapport est long, moins il est lu…
[1]Société cotée ou non cotée de plus de 500 salariés et de plus de 100 M€ de CA ou de total bilan.
[2]IIRC : International Integrated Reporting Council